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CAFE ATITLAN : EL CAFE TRAVAILDOUR

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Allez, je me laisse aller dans un petit article agro-philosophique … C’est aussi ça le voyage et la découverte ! Dans le cadre des cours d’espagnol, les professeurs de l’école nous demandent nos centres d’intérêt et potentiellement nous organisent des plans autour de ça, généralement en groupe. Et bien pour moi, ils me l’ont organisé spécialement ! J’ai eu le droit à une visite d’une organisation de producteurs de cafés sur les flancs du volcan de San Pedro !

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Pour la vue, ça donne à peu-près ça ! Vue des plantations sur le lac Atitlàn

A la place de mon cours d’espagnol quotidien dans le jardin, aujourd’hui c’était « pratique »… hay que hablar ! hay que hablar ! Entonces, voy a hablar con el director de la organizacion de los productores de café ! Dès 9 heures, je retrouve donc ma prof Conchita. Après quelques minutes de marche le long du lac Atitlàn, nous voilà à FEDEPMA ou Federacion de Pueblos Maya, accueilli par le directeur Manuel.

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Cette organisation a différents rôles : elle regroupe des producteurs de café conventionnels ou bio et assure le  processus de l’après-récolte de café, jusqu’à la commercialisation à un intermédiaire, ce dernier assurant la partie exportation. Elle assure également des expérimentations agronomiques (fertilisation notamment). Enfin, comme pour le café, elle coordonne des producteurs de miel locaux et enfin a une mission de vulgarisation agricole auprès des femmes (nos GVA de l’époque), avec notamment la valorisation du travail au travers l’artisanat. Aujourd’hui, la visite était ciblée sur le thème du café.

Ne croyez pas que j’y sois allé les mains dans les poches. Hier soir, j’ai travaillé mon vocabulaire et mes questions, lu des articles en espagnol sur la production du café… après le cours d’anglais que j’ai assuré auprès des enfants de la famille. Bref, prêt pour apprendre un maximum de choses.

Ici, soyons clair… l’intégralité de la production est réalisée à la main. Il n’y a pas de mécanisation. Seule la partie « après récolte » est mécanisée… mais à minimum. Et ce n’est pas simple sur les pentes d’un volcan, avec des inclinaisons importantes favorisant l’érosion lors des périodes de pluies (comme maintenant)…et avec des moyens, avouons-le, très limités. Je ne dispose au final que de maigres éléments de compréhension, ne maîtrisant pas le positionnement du Guatémala à échelle mondiale. Je sais simplement qu’il se situe vers le dixième rang mondial pour le café (très bien placé vu la taille du pays), qu’il essaie de se positionner sur le marché « Commerce équitable » (mais pas si simple car le travail des enfants existe réellement, et que dire lorsque l’éducation n’est pas obligatoire, que le travail « en famille » fait partie des habitudes locales). Vivre du café dans un contexte de mondialisation n’est pas simple. Les guatémaltèques se contentent de peu, il est vrai. Sur les bords du lac Atitlàn, on va dire que la vue rend l’effort supportable !

Il y a sur le site des expérimentations menées en Agriculture Organique (terme international, que je préfère à notre terme bioloqique) avec des systèmes pertinents d’un point de vu agronomique. Des expérimentations sont menées en permaculture : des porcs sont élevés en enclos, avec des poules à proximité, sous les plantations de café et de bananes. Le tout est cohérent… les poulets ou les porcelets bouffent les dernières pousses de café, assurant directement une partie de la taille… le fumier de porc est remué, piétiné par les poules… puis remis sur les plans de café…

Bref, un petit écosystème. Ca tient la route sauf deux trucs qui me chiffonnent :

  • La durabilité ! Le système est sans aucun doute durable, d’un point de vue agronomique et environnemental. D’un point de vue humain… j’ai des doutes. Sans une contribution de toute la famille (y compris des enfants), ou alors sans des employés payés une misère, le système peut à mon sens difficilement tenir… Toute la nourriture pour les porcs est montée à dos d’hommes (pas un chemin pour un quad ! en même temps, il n’y a aucun véhicule motorisé…). Le maïs (deux récoltes par an) est également récolté intégralement à la main ! Les sacs de récolte de café sont descendus là aussi sur le dos. Et pour faciliter le travail, toute la famille y contribue y compris les petites mains, au premier degré. Ramené à notre SMIC horaire, le café guatémaltèque « Equitable » devrait être payé à prix d’or ! Vu le temps passé pour l’élevage, le cochon devrait être payé à un prix très élevé.
  • L’investissement : il n’y en a juste pas. Pas de mécanisation, le processus de séchage et de conditionnement du café est assuré par des machines relativement vieilles, nécessitant beaucoup de main d’œuvre manuel. Pourquoi ? Production trop à risque ? Retour sur investissement trop aléatoire ? Curieux vu le poids du café dans le PIB du Guatémala… J’ai cette curieuse impression d’une production figée dans le temps.

Vu le poids du travail, les productions agricoles du Guatémala devraient être payées à prix d’or. Il est bien évident que la population locale n’en a pas les moyens. Et nous ? Choisissons-nous notre café en fonction de l’altitude à laquelle il  a été récolté, ou en fonction des conditions de travail des producteurs ? Bien sûr que non, au mieux on se réfugie derrière une étiquette Equitable, qui ne dit pas tout ce qu’elle devrait : d’après ce que j’ai compris, cette appellation profite beaucoup à des intermédiaires qui la maîtrisent très bien, bien moins aux producteurs.

 

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Les bacs à lombrics qui assurent la dégradation des restes de café, le produit issu est ré-utilisé ensuite pour la fertilisation des sols

En tous cas, j’ai pu discuter de beaucoup de sujets, j’ai vu plein de techniques intéressantes (production de fertilisants bio avec les lombrics, permaculture…). Nous pouvons nous inspirer de beaucoup de choses, mais je pense que l’humain est dans cette chaîne très probablement le laisser pour compte.

J’ai hâte de connaître de prochains pays, de réaliser de nouvelles visites, qui me permettront, je l’espère, d’enrichir cette réflexion. En tout cas, un grand merci à Mayab School pour l’organisation de cette formidable visite, merci à Manuel et à toute son équipe qui font un super boulot, en faisant avancer les choses, avec les moyens dont ils disposent.

3 commentaires sur « CAFE ATITLAN : EL CAFE TRAVAILDOUR »

  1. Un problème majeur de la cafeiculture au Guatemala, c’est que les plantations appartiennent en majorité de très gros propriétaires, c’est un système de latifúndios sans responsabilité sociale. Pourquoi investisseraient-ils quand ils disposent de main d’oeuvre pas chère corvéable à merci ? Quant au label « commerce équitable », c’est effectivement beaucoup d’entourloupe (à mon humble avis… ça fait juste 20 ans que je travaille sur la filière café… 😉 A très bientôt à Managua !

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    1. Merci Marion pour ces éclaircissements. Pour ceux qui lisent, Marion est un bonne copine de promo qui travaille depuis toujours je crois à l’étranger. pour le coup, l’Amérique latine, elle connait et le café encore mieux. Hâte d’échanger avec toi. Je suis encore la semaine prochaine au Guaté normalement. Je vais ensuite à Utila en faisant bien attention au Honduras. Je devrais arriver au Nica dans deux semaines environs. On se tient au courant. Bises

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